Echo des Paroisses de l’Issole – 03-03/2019
EDITO : Avec Toi au désert !
A l’aube de sa vie publique, Jésus est au désert (Mt 4,1 ; Mc 1,12). De même, au début du carême, le désert plante son décor et l’anime de l’intérieur jusqu’au Golgotha. Pour les évangélistes, le désert n’est pas seulement un lieu géographique, une terre de désolation où rien ne pousse ; mais un lieu propice pour un cœur à cœur avec l’Absolu, un temps de méditation sur notre rapport avec le monde, un temps de dessaisissement de notre moi … Jésus y est poussé par l’Esprit, affirment les évangélistes ! Cette assertion évoque le désert comme un passage incontournable, un temps de l’évaluation de sa mission qui se joue auprès des hommes. Dans ce retrait de solitude et de silence, Jésus se frotte à une triple épreuve : l’avoir, le valoir et le pouvoir, des inclinaisons qui guettent l’humanité pour la désorienter de Dieu (Mt 4,1-11). De son désert, Jésus affute ses armes pour affronter l’épreuve (le démon). Loin de tout – mais dans une parfaite relation avec son Père – Jésus fait corps avec Lui, se fie à Lui, se confie à Lui et se réfère à Lui : « Arrière Stan ! Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Dans cette bataille contre le diable, Jésus éveille ainsi la conscience des hommes sur le spectre d’un détournement potentiel. Dieu a voulu que son Fils expérimente les pesanteurs du désert et ses contraintes pour nous sortir de nos déserts.
Pour devenir un peuple nouveau, un peuple libre, les hébreux sont passés par le désert … Du désert, Dieu a appelé Moïse pour qu’il aille libérer son peuple de l’esclavage et de l’oppression, du tapage bruyant de l’enclume qui oppressait de plus en plus son peuple : la traversée du désert les libère !
Le désert est un tremplin, un temps de transition, un passage, une métanoïa… : « de l’esclavage à la liberté », « du péché à la grâce », « de la mort à la résurrection » ! L’homme n’est pas fait pour le désert, figure de l’épreuve et de la souffrance. En revanche, sa traversée est presqu’incontournable : c’est la pédagogique biblique du désert confirmée par Jésus : « Lorsqu’il déjouait les pièges du Tentateur, il nous apprenait à résister au péché » (Cf. Préface carême)
Jésus, vrai homme, n’échappe pas à ce qui est humain : son destin implacable passe par ce désert qui s’ouvre sur la Victoire. Ainsi, Jésus accomplit sa Pâques, son passage « de la mort à la vie ».
Dans un livre intitulé « La Force du Silence », le Cardinal Robert SARAH nous fait entrer dans le cœur du mystère de Dieu où l’homme se retrouve en contemplant les merveilles de la création, fruit de « régénérescence » d’un amour silencieux de Dieu. « Le premier langage de Dieu, c’est le silence…, son retrait, affirmait le Prélat. La croix est un mystère silencieux qui requiert notre silence profond pour le déchiffrer. Et le désert permet de goûter à ce mystère où Dieu se déploie, se dessaisit et s’offre ! La vie des Ermites est un exemple éloquent.
Or, notre monde cultive de plus en plus le culte narcissique des technologies virtuelles. Les sonorités ravageuses bouchent nos oreilles, nous rendent esclaves d’un mode de vie illusoire qui nous enferme dans une nuit opaque. Le bruit de nos écrans nous enferme sur nous-mêmes, nous centre sur l’éphémère, nous désoriente de l’axe principale de notre existence réelle, nous distrait l’Essentiel… ! Sommes-nous conscients de l’impact permissif qu’engendre ce tapage bruyant dans notre monde et dans notre vie ? De plus en plus sophistiqué, le bruit constitue l’opium du siècle, la nouvelle drogue qui fait des ravages sans faire de bruit. Dans ce monde du chaos infernal, l’évènementiel happe facilement l’attention des hommes, alors que l’Essentiel passe parfois inaperçu.
De nos jours, il n’est pas rare de constater l’engouement des personnes de tout bord à prendre la direction des monastères, ilots désertiques et silencieux. Ici, disent certains : on espère se retrouver, contempler, méditer…
Au-delà des sonorités assourdissantes, le désert, synonyme de silence, favorise une longue et douce germination d’une vie nouvelle, permet de contempler une aurore naissante qui transforme nos déserts arides en terre luxuriante, nos crépuscules brumeux en clarté estivale…
Certes, la traversée du désert soumet nos forces humaines à une dure épreuve. L’appréhension de « mourir un peu » nous plonge dans une angoisse insupportable. Et pourtant, nous n’y sommes pas seul, Jésus est avec nous, il nous devance au désert !
« Avec Toi, Seigneur, nous irons au désert » – non pour y demeurer – mais pour « célébrer la Pâques avec Toi » ! Le Carême est notre traversée du désert, notre temps d’entrainement au silence qui nous permet de découvrit le Christ au matin de Pâques.
P. Dieudonné MASSOMA